Un dialogue entre technologie et religion à l’Abbaye de Maubuisson
Culture/Loisirs
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Si la création contemporaine est fragile, le Val d’Oise tente de la rendre fertile et riche au sein de l’Abbaye de Maubuisson. Le jeudi 16 janvier 2020, un débat a réuni le commissaire de l’exposition Julien Taïb, deux artistes exposées Cécile Beau et Félicie d’Estienne d’Orves et le critique d’art Sean Rose, autour de la question du rapport religieux à la technologie. Entre friction et dialogue. Qu’aurez pensé la reine Blanche de Castille, petite fille d’Aliénor d’Aquitaine et mère du roi Saint Louis de ce débat ? Dans un bâti du XIIIe siècle, sept œuvres nous interrogent sur notre rapport au temps, aux rites et à la machine. Le débat a commencé par définir la religion, l’art et la technologie, avant de présenter le travail de deux artistes invitées en Val d’Oise par Julien Taïb. Il est question ici d’inquisition, de lien au sacré, de tout ce qui nous relie par la transcendance. Julien Taïb explique pourquoi il a choisi sept œuvres pour ce parcours artistique. Cécile Beau et Félicie d’Estienne d’Orves, deux des artistes exposées, ont pu expliquer chacune leur œuvre située dans les salles des latrines et dans l’antichambre. Cécile Beau et sa "fontaine hépatique" nous refait vivre la luxuriance des forêts primaires du temps du carbonifère avec une bande sonore faite par l’artiste. Son jardin d’éden s’équilibre recherchant le meilleur entre techniques ancestrales et récentes, avec hydroponie et arrosage manuel. Ses hépatiques aux feuilles extrêmement minces sont très sensibles à la dessiccation et sont de bons indicateurs de stations à forte humidité atmosphérique. Comme les fougères arborescentes. La création de Félicie d’Estienne d’Orves nous invite à sortir de la caverne et à regarder l’infiniment grand. Son "Deep Field" nous fait réfléchir à nos certitudes, à évaluer nos modèles à travers les temps, avant et après Galilée, grâce à une diapositive représentant une vue du satellite Hubble. Les rites face à la machine La question de la liturgie et du lieu de culte a amené à réfléchir à notre rapport avec les outils, à notre perception du temps. L’art est-il un chemin vers la croyance ? Les parties disparues de l’abbaye revivent-elles grâce à la technologie présente dans cette exposition ? Comment rendre l’invisible visible ? Peut-on séparer art et religion ? Dans ce lieu, tout est confluence. Située, et cela n’est pas un hasard, dans la vallée de Liesse à son confluent avec l’Oise, l’abbaye s’étage sur trois niveaux limités par le canal qui lavait les latrines, récoltait les eaux pluviales, les eaux usées des cuisines tout en faisant tourner le moulin. Aujourd’hui tout est seulement matérialisé au sol, ce qui ne nous empêche pas d’imaginer la grandiosité des lieux et de nous poser des questions entre le temps profane et le temps religieux. La flamme prométhéenne de l’œuvre de Félicie d’Estienne d’Orves rappelle le moment où l’homme s’est dissocié de l’animal, évoque la verticalité de la bougie, invite à la méditation, avec cette pièce unique fragile à la bougie. Sean Rose souligne que « c’est la technique qui change nos perceptions(…). Et que l’artiste tourne autour de sa propre vérité. Il propose un regard sur le monde sans donner son avis ». « Pro Liturgia : ordinatrices du temps présent » Une exposition collective avec Cécile Babiole et Jean-Marie Boyer, Cécile Beau, Marie-Julie Bourgeois, Félicie d’Estienne d’Orves, Laura Haie et le collectif Iakeri (Alice Guerlot-Kourouklis, Jimena Royo-Letelier, Aneymone Wilhelm) Commissariat : Julien Taïb Du 17 novembre 2019 au 29 mars 2020 à l'Abbaye de Maubuisson