Bach et Couperin, jardins intérieurs

Benjamin Alard

Dans quels jardins se promenaient Bach et Couperin ? Il est rare de faire le rapprochement mais les grands compositeurs de l’ère baroque étaient bel et bien les contemporains de paysagistes inspirés. Issu de la Renaissance italienne et de ses parterres géométriques, l’art du jardin à la française s’épanouit au Grand Siècle. Le château de Vaux-le-Vicomte, dès 1656, puis l’immense parc (15 000 hectares !) du château de Versailles, à partir de 1662, permettent à André Le Nôtre d’imposer sa vision, faite de parterres symétriques, de perspectives frappantes et de coups de théâtre dans les contre-allées. Le clavecin n’est pas fait pour être joué en extérieur mais la musique de Bach comme celle de Couperin n’est pas sans lien avec ces architectures végétales. En écoutant Benjamin Alard jouer sur une copie d’un clavecin Vater de 1732 l’Ouverture dans le style français en si mineur BWV 831 ou des extraits de L’Art de toucher le clavecin, l’auditeur ne peut s’empêcher de faire le parallèle. Ces pièces très architecturées répondent à des plans mûrement pensés et déploient une rhétorique de la raison qui ne sacrifie pour autant ni l’émotion ni la rêverie. Elles illustrent le triomphe du réfléchi sur le spontané, de l’ordonné sur l’irrégulier, comme les jardins à la française organisent la victoire de la culture sur la nature sauvage. A moins que tout cela ne soit une feinte… Le paysagiste Pascal Cribier – grand admirateur de Le Nôtre et fervent mélomane, à qui un colloque est consacré ce week-end – aurait apprécié ce programme.

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