Figures argentines

Revoici Dino Saluzzi et Pablo Márquez ! Les deux hommes sont entrés dans l’histoire de l’abbaye aux plus belles heures de son programme de musiques transculturelles. Dino Saluzzi, bandonéoniste fulgurant et compositeur majeur, régulièrement célébré par le label ECM, y a posé le pied le premier, en 2003, pour un cycle qui s’appelait déjà « Figures argentines ». Le guitariste Pablo Márquez l’y a rejoint en 2015 pour un concert donné à l’improviste. C’était l’époque où Dino, s’amusant de sa proximité avec les frères Chemirani, disait que « Royaumont est le seul lieu au monde où Téhéran est à 20 mètres de Buenos Aires ». Dix ans plus tard, Pablo Márquez revient dans ce lieu sans égal à l’invitation du Quatuor Voce. Dino Saluzzi, désormais nonagénaire, n’est plus du voyage mais l’une de ses œuvres s’est glissée dans les bagages du guitariste et elle indique la direction que prend ce concert, celle notamment du nord-ouest de l’argentine, aux environs de la ville de Salta, dont les deux hommes sont originaires, ainsi que le compositeur Gustavo « Cuchi » Leguizamón. D’une façon générale, il s’agit ici d’échapper aux clichés qui résument l’Argentine à sa capitale, Buenos Aires. Le tango, cette inimitable « pensée triste qui se danse », est bien sûr évoqué, au travers de la voix du légendaire Carlos Gardel, matière première d’une création de Fernando Fiszbein, ou de la folle inventivité d’Astor Piazzolla. Mais, ailleurs, que de découvertes ! Quelle évolution entre le Quatuor n°1 des débuts d’Alberto Ginastera, pièce d’une réjouissante férocité rythmique, autant inspirée par les danses des gardiens de troupeaux que par Bela Bartók, et le chef-d’œuvre de sa dernière manière qu’est la Sonate pour guitare ! Quel lyrisme bourru dans la Vidala para mi sombra ! Quelle passion de la part du jeune Quatuor Voce, qui a commandé une création et de nouveaux arrangements pour ce programme préparé à Royaumont ! L’Argentine n’a pas fini de nous présenter de nouvelles figures…

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