Vivre mieux et plus longtemps

Seniors

C’est le thème du prochain colloque des Entretiens médicaux d’Enghien (EME), le rendez-vous Santé de référence, dont le Département est partenaire. L’accompagnement des personnes âgées étant une compétence majeure du Département, l’occasion est belle de faire dialoguer Laetitia Boisseau, Conseillère départementale en charge des Seniors et Jean-Claude Durousseaud, fondateur et organisateur des EME. Alors que l’évolution démographique va accentuer le poids des seniors, le maintien pour eux d’une bonne santé physique et mentale est un sujet d’importance.

Qu’est-ce que le bien vieillir ?

Laetitia Boisseau : Il faut prendre conscience de l’allongement de la vie, donc du nombre de personnes âgées. En 2040, autrement dit demain, les personnes âgées de plus de 60 ans seront près de 22 millions. Pour les hommes,

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l’espérance de vie atteindra alors plus de 84 ans et celle des femmes plus de 90 ans. Tant mieux, mais à condition que le vieillissement soit réussi – c’est ça pour moi le bien vieillir. J’aime citer Henri Matisse « On ne peut s’empêcher de vieillir mais on peut s’empêcher de devenir vieux. » Et dans cet objectif, la société et les institutions ont des solutions à apporter en termes de santé, de prévention, de lien social…

Jean-Claude Durousseaud : Effectivement la conception de la vieillesse est un problème de société car elle dépend du regard qu’on porte sur elle. Dans une société orientée vers la performance et l'image, vieillir n'est plus une valeur positive. Voyez comment senior a été substitué à vieux ; cette pudeur de langage traduit la gêne vis à vis de l'âge quand il connote la vieillesse. Mais dans le sport on est senior à 40 ans, dans l’entreprise à 50, dans la santé c'est à partir de 70 ans parce que statistiquement les problèmes de santé commencent à s'accumuler vers cet âge.

Peut-on compter sur la technique pour les résoudre ?

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J.-C.D. : C’est un thème au programme des EME. La télémédecine ne va pas résoudre la question de déserts médicaux mais elle va permettre le télésuivi des personnes isolées ou des maladies chroniques. La technologie apporte des améliorations aux personnes âgées. Par exemple, il y a maintenant des lunettes connectées. Si la personne tombe, elles sont capables de déclencher un appel ; et la technologie fait la différence entre la chute de la personne et la chute des lunettes. La miniaturisation du matériel va avoir un effet important. Aujourd’hui on fait des échographes grands comme des smartphones, des scanners tout petits. Si une ambulance, envoyée sur un AVC (accident vasculaire cérébral), en est équipée, l’examen peut être fait et après transmission à un centre de référence, le traitement adéquat appliqué. On a mis au point des nanoparticules qui, injectées, se fixent sur la tumeur ; ça permet de réduire la dose de radiation mais d’en décupler l’effet.

L. B. : Les tablettes tactiles facilitent l’accès au numérique pour les personnes âgées. Le numérique, c’est fondamental pour qu’elles restent connectées dans tous les sens du terme. Dans la commune de Taverny, où je suis élue, l’atelier numérique les initie aux applications pour s’informer, échanger avec leur famille dispersée en France ou dans le monde, etc. Elles élargissent leur vie sociale considérablement.

Quel budget le Département consacre-t-il à l’accompagnement des personnes âgées ?

L. B. : Dans le budget 2018, la prise en charge des personnes âgées, notamment pour leur accueil dans des établissements spécialisés adaptés représente un montant de 96,6 millions d’euros. Nous leur versons l’APA, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie à domicile ou en en établissement. L’hébergement au titre de l’aide sociale nécessite un budget de 36,1 millions d’euros pour les frais de séjour en maison de retraite (EHPAD) et en unités de séjours de longue durée (USLD). Nous finançons la création de places en établissement pour répondre à des besoins croissants. Je citerai dans les derniers projets l’ouverture d’une plateforme multiservices à Villiers-le-Bel avec un EHPAD de 110 lits, un EHPAD de 76 lits, couplé à la création de 15 places en Foyer d’Accueil Médicalisé pour personnes handicapées vieillissantes à Sannois…

J.-C.D. : Dans les décennies à venir, la santé ne va pas coûter moins cher. On allonge la vie dans la période où on a le plus besoin de soins. Et les papy

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boomers arrivent. Il y aura plus de gens avec plus de besoins. Par ailleurs, l’évolution technologique fait des progrès rapides. Or personne n’a envie d’être traitée avec du matériel dépassé ; conséquence : ça raccourcit les délais d’amortissement du matériel, donc augmente le coût des actes. La boutade « la santé n’a pas de prix mais elle a un coût » résume tout et la question centrale est celle-ci : quelle santé voulons-nous ? Que voulons-nous pour nous ou pour nos parents dans la vieillesse ? Une santé humaniste ou une santé comptable ? C’est le cœur du débat pour les politiques ; d’où l’importance de leur information.

Quelles actions le Département réalise-t-il pour favoriser le bien vieillir ?

L. B. : Au-delà des prestations destinées à accompagner la perte d’autonomie, à domicile et en établissement au travers de l’ allocation personnalisée d’autonomie et de l’aide sociale à l’hébergement, le Département agit pour changer le regard de la société envers les aînés et prévenir la perte d’autonomie. En 2014 la charte du bien vieillir est née d’une initiative du CODERPA, (aujourd’hui remplacé par le CDCA, Conseil Départemental de la Citoyenneté et de l’Autonomie) que le Département a fortement soutenue. Les communes qui la signent portent une attention particulière aux seniors en veillant à les inclure dans leurs politiques publiques. Avec un spectre très large : la participation citoyenne et la vie sociale, la vie à domicile, l’information, les transports, la culture, le logement. 33 villes et 2 communautés de communes du Vexin, Vexin Centre et Vexin Val de Seine, qui en totalisent 60, l’ont signée. Le Département anime le réseau par lequel se diffusent les bonnes idées, les bonnes pratiques. On invite des acteurs, des sociétés à présenter leurs projets et ça peut inciter les communes à les mettre en place chez elles. Monalisa, qui signifie Mobilisation nationale contre l’isolement des personnes âgées, est aussi une démarche qui va dans le sens du Bien Vieillir et qui réunit des citoyens, des associations avec les institutions autour d'actions favorisant le lien social des aînés. On constitue des équipes citoyennes sur les territoires pour repérer les personnes isolées et retisser des liens. Enfin, la Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées de plus de 60 ans (CFPPA) présidée par le Département, qui s’est mise en place récemment contribue également à améliorer la qualité des seniors valdoisiens en permettant le financement de dizaines d’actions sur le territoire.

Par exemple ?

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L. B. : Le programme intergénérationnel Val d’Oise réalisé avec la participation de centres sociaux, de CCAS et de services d’aide à domicile : des jeunes en service civique à l’association Unis-Cité apportent du lien social à des personnes âgées isolées. Ils les encouragent à participer aux loisirs de leur ville, leur proposent des sorties et les accompagnent. Vigny, dans le Vexin, a accueilli un forum d’information pour les seniors avec une animation sous forme de café où les jeunes volontaires du service civique discutaient avec le seniors.

J.-C.D. : Les institutions sont obligées de monter des dispositifs, comme les programmes intergénérationnels, parce que notre société a oublié des fondamentaux. Dans le monde, cinq zones bleues, Okinaya au Japon, Nicoya au Costa Rica, Ikania en Grèce, Loma Linda aux Etats-Unis et un village de Sardaigne. ont une moyenne de centenaires plus élevée qu’ailleurs. Qu’y a-t-il de commun entre ces territoires ? C’est très simple: les gens y ont des nourritures saines et frugales, mais variées. Naturelles car souvent ils ont encore leur petit jardin, ce qui veut surtout dire qu’ils ont une activité physique, modérée, qu’ils sont chez eux, dans leur village. Ils conservent donc des liens sociaux, dans une vie routinière et pas stressante. On tient aujourd’hui de plus en plus compte de l’effet de notre environnement, dans ses multiples acceptions, sur nos gènes, de sorte qu’une pathologie va se développer ou non. C’est l’épigénétique. Nous en parlerons aux EME. Je pense aussi qu’il faut laisser les personnes âgées faire elles-mêmes des choses plutôt que les faire pour elles. Elles retrouvent l’esprit d’initiative et une raison d’être.

Comment la charte trouve-t-elle sa place dans les EME ?

L. B. : Nous avons lancé un concours entre les communes signataires de la charte pour valoriser leurs actions ; il récompensera 3 lauréats dans chacune des 3 catégories : Bien vieillir chez soi, Bien viellir l'esprit en éveil et Bien vieillir Ensemble. Les projets sélectionnés seront présentés en juin sur le plateau télé des Entretiens médicaux d’Enghien, et le palmarès final sera dévoilé lors du colloque du 12 octobre.

J.-C.D. : La première action de prévention, c’est l’information. Dans tous les domaines médicaux d’ailleurs et pas seulement dans celui du bien vieillir. Or les médecins sont formés à traiter plutôt qu’à prévenir ; on ne les consulte pas pour ça. L’information doit donc être assurée par des relais comme nous. Nous réalisons par exemple une petite capsule « 2 minutes pour comprendre » qui donne des conseils pratiques, ça peut avoir . Dans les Entretiens médicaux d’Enghien, nous tenons beaucoup à la mixité : les professionnels de santé, les techniciens et le grand public. Celui-ci doit découvrir les progrès des connaissances. Dans les stands nous montrerons des produits innovants, qui apportent une vraie amélioration ; dans les conférences, nous ne traiterons pas des pathologies mais au contraire des thérapies qui permettent de les vaincre. C’est délibéré. Dans mes émissions, à un public qui compte des malades, je veux délivrer un message positif. La vieillesse nous fascine et nous angoisse. Pourtant, nous avons aujourd’hui plus que jamais les moyens de bien vieillir.

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